Le restaurant “La Bodeguita”

Interview de Patrick Dupuy, gérant du Restaurant La Bodeguita à Euronat

Que faisais-tu avant d’arriver à Euronat ?

Après le bac, j’ai fait des études pour travailler dans le social mais rapidement j’ai créé ma première entreprise : un cyberbus  pour faire parvenir la révolution internet dans les centres socioculturels. A l’issue de cette expérience, j’ai acheté un restaurant à Biscarrosse. 

Le décès de mon père a été un choc qui a conduit à l’effondrement de mes affaires. Une déception amoureuse m’a incité à tout quitter pour la mer où j’ai rebondi et créé des concepts d’hôtellerie et de restauration à bord d’un bateau, d’abord en location puis de mon propre bateau qui faisait 45 mètres !

Un souci de santé m’a contraint de cesser cette activité pour créer la Bodeguita del Mar à Sitges, en Catalogne, au sud-ouest de Barcelone. L’expérience très formatrice a duré deux ans. 

Je suis ensuite reparti en mer sur un bateau plus petit, je me suis spécialisé dans les charters, les croisières, les croisières naturistes, les anniversaires, l’évènementiel…

Après deux ans de cette activité, ma maman ayant quelques petits soucis de santé, quelques soucis administratifs, il fallait que je m’occupe un peu d’elle. Donc, j’avais l’intention de venir juste passer un hiver, ici dans la région puisqu’elle habite à Jau Dignac. J’ai amené le bateau que j’avais à ce moment-là, qui faisait quatorze mètres à Port-Médoc… et j’ai réalisé qu’il n’y avait pas la clientèle pour transposer mon activité sur l’Atlantique et j’ai bien compris que ma maman n’avait pas besoin de moi trois mois mais beaucoup plus longtemps.

J’ai donc de nouveau créé un restaurant, à Port-Médoc, au Verdon, :  « la Bodeguita del Mar » et ce sont des clients du restaurant, Alice, Sylvie… qui sont des résidents d’Euronat, qui m’ont dit : ce que tu fais est extraordinaire, il faut que tu viennes le faire à Euronat et ça tombe bien, il y a un local qui est disponible, et ensuite, il y a eu la négociation avec le propriétaire et c’est comme ça que je suis me suis retrouvé ici.

Quelle relation avais-tu avec le naturisme avant ?

J’ai été élevé dans le naturisme depuis mon enfance. Cela a toujours été ma philosophie de vie. A l’adolescence certains ont des difficultés avec ça, moi je n’ai jamais eu de problème, ça ne s’est jamais arrêté. Je ne conçois pas de me baigner dans une eau magnifique avec un maillot de bain. C’est impossible. Dès que je peux, je suis naturiste.

Tu étais tout seul pour commencer à Port-Médoc ?

Non, il y a Alex Mahnovet, qui fait partie de la société, il était avec moi dans la société. Quand je suis arrivé à Port Médoc, il était avec moi dans le bateau Nous ne sommes pas ensemble, certains pensent que nous sommes ensemble, mais non, c’est une relation complice, d’amitié, mais avant tout de travail. Il était déjà marin sur le très beau bateau de 45 mètres que j’avais sur la côte d’Azur, ensuite il a connu le restaurant en Espagne, puis le petit bateau de 14 mètres. Ensuite, le restaurant de Port Médoc… Il fait partie de l’équipe et en plus, il est associé.

Est-ce que tu as eu des difficultés pour commencer ?

Disons que le pari était d’ouvrir l’hiver, et de commencer par l’hiver car je suis arrivé ici au mois d’octobre. L’idée était de faire connaître ce que j’allais faire, qui est un peu particulier, ce sont des produits espagnols, beaucoup de petites choses qui ne sont pas habituelles en France. En France, on appelle tapas, juste une assiette avec un peu de charcuterie et de fromage. Ça, ce n’est pas des tapas. Ce qu’on a fait, nous ici, c’est presque 200 recettes de Pinchos, de Pica-Pica et de Tapas différents. Ça allait surprendre.

Mais quand même au mois d’octobre, ce n’était pas un problème ?

On avait le temps et en faisant les choses tranquillement, il se trouve que ça a bien marché. Cela aurait pu, l’hiver, beaucoup moins bien marcher mais a priori il y avait besoin sur Euronat d’une structure ouverte à l’année. Regardez, si vous venez ce soir, il y a le café philo, demain, il y aura un concert, samedi il y aura une autre animation, le dimanche, c’est les huitres. On a eu dans le passé et on organisera encore des ateliers cuisine, des soirées jeux de société, des soirées dansantes… L’hiver, c’est quand même le rendez-vous des gens qui habitent ici. C’est un bénéfice pour tout le monde. Moi, j’y ai gagné parce que ça m’a fait connaître avant la saison et les clients, les résidents d’Euronat ont gagné une structure ouverte à l’année.

Peux-tu nous dire quelques mots sur la différence entre les saisons d’été et d’hiver ?

La différence est énorme. L’hiver, on accueille 25 personnes à l’intérieur. L’été, on accueille 150 personnes à l’extérieur. Ce n’est pas du tout le même niveau de travail. L’été, il y a une équipe de 10 personnes, l’hiver, on est 2. La philosophie de l’hiver, c’est d’avoir une amplitude d’ouverture assez grande et quand c’est l’heure des repas, on attend le client, mais en dehors des heures de repas, il nous trouve comme on est, en train de faire des travaux, regarder la télé, ou faire la sieste… ou absents… Alors que l’été, à partir de 17h, on est ouvert et on a du travail tout le temps. L’an dernier on n’était pas ouvert le midi, l’année prochaine, on sera ouvert avec une nouvelle formule.

Le fait que tu sois à moitié français et à moitié allemand, est-ce que cela joue un rôle ?

Bien sûr, parce que je parle presque couramment l’allemand, donc pour accueillir les Allemands, c’est beaucoup plus simple, surtout qu’à Euronat il y a des Allemands qui sont là depuis très longtemps mais qui ne parlent pas un mot de français ! Ils se sont appropriés Euronat et se sont dit, nous sommes entre Allemands et on n’a pas besoin de parler français.

Est-ce que tu as encore des relations avec l’Allemagne ?

J’ai ma grand-mère qui habite l’Allemagne et qui vient très régulièrement pour les vacances de Noël. Elle est arrivée il y a une semaine et va repartir au mois de janvier. Elle a 94 ans et fait encore le tour d’Euronat. Elle habite en Forêt Noire.

Et que penses-tu d’Euronat ? Est-ce que ça correspond à tes idées ?

C’est ce qui se rapproche le plus de l’idéal de vie que je peux avoir, moi. 

Je ne pourrais pas avoir un établissement comme celui-là qui est ouvert tout le temps, c’est sécurisant, il y a cette liberté d’appliquer d’autres styles de management. Ici, on peut tout baser sur la gentillesse, ça marche. A l’extérieur, il faut tout le temps mettre des limites. Ici, finalement des limites il n’y a pas besoin d’en mettre beaucoup. Les gens ne les passent pas d’eux-mêmes, il y a de l’éducation. C’est une clientèle qui a la chance d’avoir une mentalité, une éducation qui est compatible avec le naturisme. Je pense qu’il y a des gens qui ne viendront pas d’eux-mêmes à Euronat parce que ça ne leur correspond pas du tout et ces gens-là ne nous correspondent pas non plus. Donc, c’est très bien. Beaucoup de clients avec lesquels j’accroche un peu moins vont préférer d’autres bars et finalement, ça se passe très bien.

Quels sont tes rapports avec la direction d’Euronat ?

Les rapports sont professionnels mais ce sont des gens que j’apprécie pour leur simplicité et l’apparente bienveillance qu’ils dégagent.

Quels sont tes souhaits pour la suite ?

J’ai encore beaucoup de projets. Tous les ans, il faut que je fasse des nouveautés, donc il y en aura tout le temps.

Peux-tu conclure cet entretien en quelques mots ?

Je voudrais simplement dire que la clientèle m’a suivi et m’a très bien accueilli. Je n’étais pas d’ici, je n’étais pas médocain, j’en suis parti depuis tellement longtemps que je n’étais plus médocain et que ce soit les Français ou les Allemands, ils ont été là, ils ont été présents. Quand il y a eu des difficultés avec le premier confinement, beaucoup ont participé pour nous aider à passer ce mauvais moment. Une vingtaine de personnes ont participé à une cagnotte pour nous acheter un scooter qui devait servir à faire les livraisons. Il se trouve que la batterie de ce scooter a été livrée un an plus tard, mais en tout cas, c’était génial, c’était très bien. Cela prouvait qu’il y avait une envie, un besoin de quelque chose d’ouvert. Ils ne nous connaissaient pas, ils nous ont adoptés très vite. 

Des clients me disaient, le premier hiver, comme j’habitais le restaurant, viens te doucher à la maison, nous, on n’est pas là pendant deux mois, trois mois… Il y a eu des comportements très solidaires. Lors du deuxième confinement, par exemple, on n’avait pas le droit aux aides de l’état parce que nous n’étions pas ouverts en 2019. Toute la clientèle pratiquement a continué à venir chercher des plats à emporter, ce qui fait que nous n’avons perdu que 25% du chiffre d’affaires de l’année d’avant. Alors on s’est adapté nous aussi, je ne voulais pas servir des plats à emporter dans du plastique, donc on avait acheté toute cette vaisselle, là, pour que ça reste au chaud, pour que ce soit présentable. Et là, c’est pareil, la vaisselle est toujours revenue sans qu’on ait à la réclamer. A l’extérieur d’Euronat… Ce serait impossible, à moins de prendre des cautions…

Entretien de Christian Büttner et Elke Schwichtenberg avec  Patrick Dupuy 

Mise en forme et correction : O. et Y. Henneguelle